La mort d'Orpheee ou la fin d'une époque par Sytril et Orpheee.

Orpheee se tenait dans sa grotte, seul dans ses pensées.
Il était assis sur le rebord et se tenait face à lui la vue d'Allysan la Nouvelle.
...Le jour naissait.
Un éclat orangé apparaissait à l'horizon, projetant des lueurs dans le ciel bleuté. Pourtant toute la beauté de l'aurore, Orpheee ne la voyait pas. Il était à 100 lieus de là, au plus profond de sa réflexion. Quiquonque se serait trouvé là se serait forcément demandé ce qui tenaillait à ce point le vieil elfe. C'était un sujet délicat. Qui avait soulevé bon nombre de problèmes auparavent.
Clara. Et Dëza...
...Indissociable. Car il était devenu évident après un examen minutieux par Orpheee et Sytril de la pierre qui emprisonnait la magie de Clara que ce que tout le monde redoutait et ne voulait pas croire était arrivé. Dëza bien qu'habilement dissimulé habitait en partie l'esprit de Clara. Et avait renforcé ses pouvoirs. C'est comme ça qu'il s'était retrouvé enfermé plutôt bêtement dans la pierre. Depuis que la confirmation avait été apportée, Orpheee réfléchissait à la question. Que faire? Il y avait là en effet une opportunité inespérée. Dëza, son père le maléfique, était pour le moment à sa portée. Ne serait-ce pas l'occasion de le détruire une bonne fois pour toute? Car qui sait si il ne finirait pas par trouver un moyen de se libérer de la pierre?! Mais pour l'anéantir, il ne suffira pas de détruire la pierre, au contraire cela ne fera que le libérer. D'ailleurs cette libération semble inévitable pour le tuer une fois pour toute. Mais cela représente un risque. Et c'est à ce dilemme auquel réfléchissait Orpheee si intensément.
...Que faire? Prendre le risque de le libérer maintenant pour l'affronter, ou attendre et se préparer plus particulièrement, en gardant à l'esprit qu'à tout moment il peut se libérer de lui même....
Mais Orpheee n'avait que trop attendu.
...Il était temps de mettre fin une bonne fois pour toute à cette histoire. Affronter son père et chercher à l'empêcher à tout jamais de nuire.
Une pensée pour Morgane, cette jeune elfe qui n'avait déjà que trop subit les malversations de Dezä à travers sa mère. Oui, pour Morgane et pour tous les autres... Sytril, Léo, Eryn'a et tous les habitants d'Allysan la Nouvelle qui méritent de vivre en paix.
La décision prise et l'esprit en paix Orpheee se leva et se dirigea ver la sortie de la grotte. Il décida de n'en parler à personne pour ne pas provoquer d'inquiétude. Il avait vêtu, pour la première fois depuis 750 ans, sa superbe armure d’argent enchantée, cinq fois plus résistante que le mithril. Le métal brillait de mille feux sous le soleil levant. Gravées sur son plastron, on lisait clairement les armoiries d’Orpheee (un dragon blanc) et celles d’Allysan.
...Puis se dirigeant vers l'endroit où il avait caché la pierre, l’elfe réfléchit au meilleur endroit pour affronter Dëza. Que ca soit lui comme Dëza, des mages d'un tel niveau génèrent leur magie sur un large périmètre. Il faut donc faire en sorte que personne ne puisse être blessé involontairement ou d’ailleurs volontairement connaissant la traitrise de Dëza. Heureusement, pas loin de là, au milieu de la forêt se trouvait une clairière abandonnée qui conviendrait parfaitement. Il ne manquait plus qu'à ériger une barrière de protection magique pour éviter la mort d'innocents animaux. Mais cette barrière ne devait pas baisser ses réserves de magie même qu'un peu. Il est évident que l'énergie demandée n'est qu'une infime partie de celle que peut fournir un mage du niveau d'Orpheee mais tout sera utile lors du combat final et il serait bête que cette barrière influe sur le dénouement final. Ainsi il repassa dans son repère à la recherche d'une pierre qui ressemblait un peu à celle utilisée avec Clara. D'une couleur bleutée, elle irradiait d'une aura à cause de la magie qu'elle contenait. Ladite magie qui servirait largement à approvisionner la barrière le temps qu'il faudra.
...Une fois cette dernière tâche accomplie il partit les deux pierres avec lui en direction de la clairière. Puis il installa la première et fit apparaître pendant quelques secondes une bulle bleu qui s'estompa rapidement mais seulement visuellement. Et enfin, il prit place au milieu, s'assit pour se concentrer au maximum. Le silence régnait. Pas un oiseau ne chantait, ou du moins leur gazouillement était atténué par la barrière. Orpheee prit une inspiration profonde, envoya un message télépathique et se releva.
Un seul sort lui suffit pour annuler l'enchantement de la pierre et ainsi libérer Dëza.
...Effectivement peu après un lueur bleuté sortit de la pierre et prit forme humaine. L'elfe noir n'ayant plus de corps qui lui est propre et n'ayant pas à sa disposition un corps de substitution il se servit de fragment d'essence de chaque personne qu'il avait habité et dont il avait gardé un souvenir pour reconstituer un corps. C'était un amalgame de plusieurs races. Orpheee pensa à un conte pour enfant et à son monstre célèbre... Frankeisntein...
...Et puis il repoussa toute autre pensée parasite et engagea le dialogue.
-Bonsoir, Père.
-Mon fils ! Quelle bonne surprise, répliqua l’elfe noir, sans marquer la moindre surprise. Que me vaut le plaisir d'un tel geste?
-Ne crois pas un seul instant que j'ai prévu de te laisser partir...
-Mais je ne te sous-estime pas à ce point voyons.
-Il est temps de mettre un terme à ce conflit qui dure depuis des années. Tu as suffisamment longtemps répandu le mal sur ces terres.
-Défenseur de la veuve et de l'Orphelin... Mais tu es un elfe noir. Je perçois un léger problème... * Une lueur ironique dans le regard*
-Seulement à moitié Elfe noir. Et mes actions ne regardent que moi.
-Dans ce cas les miennes aussi.
-Non, tu as eu le malheur de t'en prendre à mon entourage. Cela me concerne.
-Je suppose que tu parle de cette Clara... Qu'un pion sur un échiquier tellement plus vaste... *Tout en regardant au loin avec emphase*
-Un échiquier qui s'écroule dès maintenant.
...Et à partir de ce moment, le combat prit une nouvelle forme, après l'échauffement par joute orale, les deux mages passèrent à la magie. Dès la fin de la dernière phrase prononcée, des lueurs bleutés et noirâtres apparurent respectivement sur les bras d'Orpheee et de Dëza.
Les adversaires déchaînaient leur puissance, libérant de complexes enchantements. Ils invoquaient tour à tour des êtres venus d’ailleurs, qui se déchiraient mutuellement, encouragés par les mélopées des deux combattants. Le fracas du duel résonnait avec force dans la plénitude tranquille de la clairière
...Orpheee prit bien vite sa forme obscure, décuplant ainsi ses forces. Ce qui n’avait été jusque là qu’un préliminaire devient un effrayant affrontement. Un affrontement à mort.
...Et c’est un affrontement à mort qui se termina, deux jours plus tard, de la manière suivante :
Alors que le père et son fils s’accordaient une trêve momentanée, Dezä se précipita en traître sur Orpheee. Une courte lame apparu à l’extrémité de son bâton, se dirigea en fusant vers le semi elfe noir… et s’enfonça profondément en son cœur. Sous le choc, Orpheee blêmit. Un hoquet secoua son corps, et il s’effondra par terre. Une douleur atroce lui envahissait la poitrine. Il avait froid.
Et puis soudain, une détonation retentit.
...Pendant leur combat, Orpheee et Dëza n'avait aucune conception de l'extérieur. Mais les choses évoluaient là aussi. Des gens s'étaient inquiétés de son absence. Finalement c'était Sytril qui avait alertée tout le monde. Elle avait en effet eu des nouvelles par le biais de Marlab à laquelle s'était adressée Orpheee par télépathie juste avant le combat. "Prépare moi une place près de toi, au cas où. Mais surtout assure toi que Dëza ai celle qu'il mérite." Tout le monde comprit donc qu'Orpheee était parti affronter son père. Mais le problème restait sur leur localisation. La barrière magique ne protégeait pas seulement les animaux, elle empêchait aussi que quiquonque trouve l'emplacement de la clairière. Ce fut Léo, le roi des rodeurs qui résolu le problème le deuxième jour de la disparition. A l'aide d'un obscur stratagème, secret des rodeurs, il put localiser la clairière. Mais il avait encore besoin du concours de Sytril pour franchir la barrière.
...C'est ainsi qu'il fut le premier à pénétrer sur les lieux. L'esprit en alerte il repéra immédiatement la situation et tira sur Dëza qui savourait sa victoire. Celui ci fit soudain une horrible grimace puis se tourna lentement vers le jeune homme, qui se trouvait cent mètre derrière lui alors que du sang commençait à couler du trou qu’il avait entre les deux yeux .Léo leva alors son fusil à lunette pour la deuxième fois et le pointa droit sur l’elfe noir. Lentement, il pressa la détente. Comme au ralentit, la balle partit et frappa Dezä en pleine poitrine. Dans un geyser de sang, il s’effondra, le cœur percé.
...Puis Léo se précipita vers Orpheee, l’appelant par son nom. Celui-ci l’entendit à peine, tout concentré vers un seul but. Il ne fallait pas que l’âme de Dezä erre… Dans un suprême effort de volonté, il referma ses doigts autour de sa fidèle épée. Transperça le corps de son père. Puis supprimant la barrière magique il se servit de toute la magie restante dans la pierre pour lancer un dernier sort. Le plus puissant qu’il n’ait jamais lancé. Peut être le plus puissant qui n’ait jamais été lancé. Des nuées sombres s’amassèrent au-dessus des combattants. Un vent tempétueux se levant hurlant sa plainte. Au paroxysme de ce bruit déchirant, un éclair noir jaillit de la masse nuageuse. elui ci balaya à tout jamais le corps de Dëza ainsi que son âme.
Mais Orpheee ne vit jamais les effets de son sort. A l’instant où il le prononçait, il rendait enfin son âme après les treize siècles de son existence. Il mourrait heureux. Il allait enfin revoir Marlab et rester auprès d’elle. Qu’est-ce la mort, à côté de l’Amour ?

Alors, seulement, on s’occupa des funérailles d’Orpheee. Hélas, son corps avait, on ne sait comment, disparu. Alors on érigea un petit monument à sa mémoire, et des discours furent prononcés. Creux, pour la plupart. Orpheee était mort, point.
Puis, on trouva dans les grottes un parchemin qui se révéla être le testament de l’elfe.
Il concernait Sytril, Léo, Morgane, Beldo, Eryn’a et le Président lui-même.
Lorsqu’il fut ouvert en présente desdites personnes, une image magique de l’elfe en sortit et se dressa devant eux.

-Mes amis ! Commença le pseudo Orpheee. Voilà, il y aurait des formules de circonstances du style « ne me pleurez pas », mais j’ai un peu la flemme de les sortir, alors on s’en passera.
Alors, commençons. Vous le savez, je ne laisse derrière moi aucun héritier de mon sang. Aussi ai-je décidé de vous léguer ce que je possède.
Il se tourna vers Morgane et reprit d’un ton grave :
-A toi, jeune elfette, je lègue mon épée, Tel’Driä. J’espère qu’elle sera aussi bonne pour toi qu’elle le fut pour moi. Je te donne également mon armure enchantée qui s’adapte à son propriétaire quel qu’il soit, ainsi que mon arc elfque. Fait en bon usage. Je suis sur que tu seras digne de ces armes. Ah, j’oubliais. Tu trouveras inscrit au bas de ce parchemin les sorts qui libéreront ta mère et qui lui rendront ses pouvoirs. Pardonne-moi, je n’aurais pas dû l’emprisonner. Comme quoi, même moi, j’ai parfois besoin de la sagesse de la jeunesse…
Puis, il alla à Sytril :
-Pour toi, ma vieille amie, voici certains de mes essais sur mes expériences en cour et sur la magie. Peut-être te serviront-ils. Tu auras aussi le parchemin du Premier elfe, père de ma race, qui te révèlera bien des secrets, je crois.
Eryn'a, accepte, je te prie, ce recueil de recettes culinaires que j'ai accumulées au cours de mes voyages. C'est bien modeste, mais j'espère que ça te plaira.
Beldo, je tiens à te donner ma collection d’objets magiques, et en particulier cet anneau (un anneau apparu dans les airs) qui appartint jadis à ton aïeul Bolbi, de même que je te donne mon encyclopédie. Continue sur la voie que tu as choisie, et tu égaleras sans nul doute Bolbi lui-même. C’est un privilège de t’avoir connu.
Léo, je te confie ma grotte et tous les enchantements qu’elle contient. Prend aussi le tiers de mon or (soit environ deux mille pièces d’or) et sert t’en de la manière qui te plaira. Je suis persuadé que tu seras un grand roi pour les rôdeurs. Merci du fond du cœur. Sans toi, Dezä ne serait pas mort. Et un conseil : reste toujours auprès de ceux que tu aimes (l’image magique jeta un rapide coup d’œil à Morgane), car sans eux, la vie ne vaut pas la peine d’être vécue… Un conseil dont j’aurais mieux fait de me souvenir moi-même.
Bien ! En dernier lieu, je lègue toute ma bibliothèque personnelle à la ville d’Allysan et je donne le reste de mon or à l’Etat (bien que se soit substantiel, ça peut toujours servir).
Eh bien voilà. Adieu, mes amis, et à un de ces jours !
Et, tandis qu’en Graak l’on pleurait un peu partout le mort de ce si étrange personnage, dans le royaume des morts, assis en compagnie de Marlab, Gurvillons, Bolbi et Gribouille Orpheee était enfin heureux.

A la grande surprise de Sytril, un voix s'éleva alors derrière elle :

-Merci, chère amie.

Sursautant, la magicienne se retourna et resta figée de surprise en aperçevant un Orpheee tout ce qu'il y avait de plus bien portant, vêtu de son armure étincelante, son épée au côté (apparement, il avait fait reforger exactement les mêmes armes que celles qu'il avait de son vivant).
Elle remarqua pourtant trois différences en lui:
1° L'elfe ne respirait pas
2° Les armoiries d'Allysan qui ornaient jadis son plastron avaient disparues, remplacées par celles de Marlab
3° Dans les yeux de d'Orpheee on lisait un bonheur immense.

Alors que Sytril se demandais comment cela était possible, Orpheee reprit la parole.

-Ne t'en fait pas, je suis mort et bien mort. En ravanche, comme j'ai conservé mon corps, je suis libre (avec consentement de ma souveraine et maîtresse) de circule librement entre les mondes. Au royaume des morts, le temps s'écoule plus vite qu'ici, tu sais.
Enfin, ma faculté de passage entre les dimensions liée à mes pouvoirs que j'ai également conservé ainsi que ma connaissance de ce monde a fait que Sa majesté Marlab m'a nommé ambassadeur des ombres. Même si elle pouvait communiquer avec toi, elle aime bien le côté officiel de ce procédé, qui est certainement plus approprié que la télépathie, surtout si elle veut converser avec Mr le Président. Mais bon, bref, là, je ne suis pas en mission officielle, j'étais juste venu faire un petit coucou. Comment vont les autres ?

Abasourdie, Sytril mit un petit moment à répondre...

Alors, plus terrible encore pour le coeur de la gnomette, une main apparut sur l'épaule du spectre d'Orpheee. Et après la main, ce fut un bras, aussi blanc que la neige, mais irrisé de veines noirs. Marlab apparut devant Dame Sytril, et, dans ses vêtements d'Ombre, elle s'inclina. Sa posture était noble, et sur son visage magnifique se peignait un air amusé.

"Bonjour Sytril. Tu m'as manqué"

Sytril, abasourdi, ne sut que répondre. Elle n'en eut d'ailleurs pas le temps. Marlab fondit sur elle... et la serra dans ses bras froids.

"Ca fait longtemps que je désire remonter. Mais les affaires m'en ont empêché"

Sa voix était toujours là même, claire et douce, mais elle avait maintenant une certaine autorité qui imposait le respect.

"Je suis là en mission officielle, mais Orpheee pourra t'expliquer ça. Je dois y aller. Mais je te promets, mon amie, que nous nous reverrons. Adieu"

Et Marlab s'envola dans un tourbillon d'Ombre.